Rassemblement Chevalier de La Barre
1er Juillet 2016 – La Seyne
Chers amis, chers camarades,
Nous nous réunissons ici pour la troisième année consécutive.
Cette année, c’est le 250ième anniversaire du supplice du Chevalier de La Barre.
Et cette année a connu un mouvement social particulièrement important.
- Important parce qu’il s’est dressé contre la destruction des progrès obtenus par plus d’un siècle de combats syndicaux.
- Important parce que la défense des droits collectifs des salariés renforcent les droits collectifs républicains. Or ce sont ces droits collectifs qui peuvent barrer la route aux intérêts communautaristes particuliers.
- Important, parce ce que le mouvement social a révélé au grand jour les clivages qui existent entre les organisations ouvrières et ce que certains appellent frauduleusement les « syndicats réformistes » qui en fait sont des syndicats imprégnés du corporatisme de la doctrine sociale de l’Eglise.
Je pense qu’ici, il est très instructif de citer une déclaration faîte au Sénat par un membre du groupe « les républicains », M. Jean-Baptiste Lemoyne, le 13 juin dernier lors du débat sur la Loi dite « El Khomri ». Après s’être réclamé de la subsidiarité et glorifié l’action de la CFDT, il affirme :
« … pour notre part, la subsidiarité ça nous parle. Rerum Novarum, Léon XIII, autant de références qui font que nous sommes très à l’aise pour pouvoir entamer le débat, et sur le fond des mesures vous évoquiez une loi de régression sociale, … vous évoquiez l’inversion de la hiérarchie des normes, j’y vois plutôt en fait une répartition des différents niveaux, et en fait une loi qui distribue les compétences à différents niveaux … ».
Lorsqu’un sénateur en appelle au Pape Léon XIII, pour justifier des mesures rétrogrades, on peut se demander dans quelle République nous vivons. Et, faire référence à une encyclique catholique de 1891 permet de mesurer la « modernité » de ses arguments.
Je vois dans cette déclaration cléricale le même esprit que celui de Napoléon 1er, il y a plus de 2 siècles :
« Dans la religion, je ne vois pas le mystère de l’incarnation mais celui de l’ordre social… une société sans religion est comme une vaisseau sans boussole. Il n’y a que la religion qui donne à l’Etat un appui ferme et durable… Une société ne peut exister sans religion. Quand un homme meurt de faim à côté d’un autre qui regorge, il lui est impossible d’accéder à cette différence s’il n’y a pas une autorité qui lui dise : Dieu le veut ainsi, il faut qu’il y ait des pauvres et des riches, mais ensuite et pendant l’éternité le partage se fera autrement… ».
Jean Jaurès affirmait dès 1893 :«la République doit être laïque et sociale mais restera laïque parce qu’elle aura su être sociale ». Lorsqu’un gouvernement tourne le dos au progrès social, il n’a à sa disposition que deux armes : le sabre et le goupillon.
Tous les défenseurs d’un ordre fondé sur les inégalités sociales finissent, un jour ou l’autre, par utiliser les religions pour étouffer la colère des peuples
Le gros problème avec les religions, c’est que pour légitimer, pour défendre l’ordre social, elles ont besoin d’imposer un ordre moral à toute la société. Pour être efficace, elles ont besoin que l’Etat présente les prêtres comme des autorités morales indiscutables. Et cela est totalement contradictoire avec l’esprit et la lettre de la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat.
Il y a 250 ans, à Abbeville, un jeune homme de 19 ans a été supplicié par l’Etat au nom de l’ordre moral. Depuis, son histoire a servi de point de regroupement de toutes les forces sociales qui veulent, comme le dit le monument d’Abbeville, l’Emancipation intégrale de la Pensée humaine.
Aujourd’hui, en France et dans le monde, on assiste de plus en plus à une instrumentalisation politique des religions. A chaque fois, les orientations sociales rétrogrades coïncident avec la soumission des responsables des Etats aux exigences de l’ordre moral religieux. La liste des peuples assujettis à l’obscurantisme des dogmes est gigantesque.
Les peuples qui semblaient s’être émancipés de ces obscurantismes ne sont pas à l’abri comme on peut le voir en Turquie ou en Egypte.
En Europe, on assiste à des reculs du droit pour les femmes à l’avortement comme en Espagne ou Pologne.
En France, malgré la volonté de la quasi-totalité de l’opinion publique, le droit de mourir dans la dignité est toujours interdit. Est-ce normal ?
Est-ce normal qu’un Premier Ministre d’une République laïque assiste en tant que tel à la canonisation de deux anciens papes ? Qu’il se mêle de la vie interne d’une religion en prenant position pour la démission d’un cardinal ?
Est-ce normal que le ministre de l’intérieur fasse le discours de clôture des Etats généraux du Christianisme à Strasbourg ? Qu’il parle à cette occasion de « proximité spirituelle entre la République et l’Eglise » comme si la notion de citoyen avait quelque chose à voir avec celle d’une créature soumise à un Dieu ? Qu’il espère que le dialogue inter-religieux alsacien « puisse gagner tout le territoire national » ce qui sous-entend que le statut d’exception d’Alsace-Moselle serait un modèle pour la France ? Qu’il en appelle à Jean-Paul II ? A Saint Thomas d’Aquin ? (Puisque je parle de Thomas d’Aquin, je ne peux m’empêcher de citer sa conception « spirituelle » de la femme : « La femme est un être occasionnel et accidentel ».)
Est-ce normal que M. Estrosi, lorsqu’il était Maire de Nice, consacre sa ville à la dite « Vierge Marie » par cette déclaration hallucinante : « Moi, successeur des consuls de Nice, au nom du conseil municipal et du peuple de Nice, renouvelle ce vœu et confie les destinées de la ville à Notre Dame des Grâces » ?
Est-ce normal que le même Estrosi installe des représentants des Cultes dans sa « commission consultative régionale » ?
Dans le dernier numéro de la revue « Le Monde des Religions », revue que l’on ne peut vraiment pas considérer comme extrêmement anticléricale, une étude statistique montre qu’entre 1994 et 2015, le pourcentage de croyants (pratiquants ou non) est passé de 59% à 45% pendant que les incroyants évoluaient de 41% à 55%. D’autres sondages donnent des chiffres encore plus significatifs. Comment expliquer cette sur-médiatisation des responsables religieux par ceux qui nous gouvernent ? Cela ne correspond à aucune réalité sociologique, bien au contraire !
Chers amis, chers camarades,
La défense de la laïcité durera tant qu’il y aura des forces sociales ayant intérêt à instrumentaliser les clergés.
Chers amis, chers camarades,
Le combat de la Libre Pensée est parfaitement résumé par cette motion adoptée en 1904, à Rome, à son congrès international :
« …la Libre Pensée est laïque, démocratique et sociale, c’est-à-dire qu’elle rejette, au nom de la dignité de la personne humaine, ce triple joug : le pouvoir abusif de l’autorité en matière religieuse, du privilège en matière politique et du capital en matière économique. C’est à dire que tout effort tendant à la libération intellectuelle et morale de l’humanité n’a de sens et d’efficacité que s’il concourt à assurer l’émancipation économique du prolétariat universel ».
Plus d’un siècle plus tard, l’Histoire n’a fait que renforcer nos convictions !
Défendons la laïcité !
A bas la Calotte, à bas tous les cléricalismes !
Vive la République sociale !
Je vous remercie.