Discours 2021


Chers amis, chers camarades,

          Nous nous rassemblons aujourd’hui pour commémorer le 255ème anniversaire du supplice de Jean-François Lefebvre, dit « Chevalier de La Barre », condamné à mort pour blasphème par la justice du Roi Louis XV.

          Mais nous voulons rappeler aussi qu’il y a 120 ans, la loi de Waldeck-Rousseau fut votée faisant du droit d’association une liberté pour les citoyens, loi qui a remplacé la loi bonapartiste de 1810.

          Faire un rassemblement laïque annuel permet de faire le point sur les attaques contre la Laïcité et la liberté de conscience pendant l’année écoulée.

          Or, l’an dernier nous n’avons pas pu faire de rassemblement, mais je vais quand même essayer de ne pas faire un discours deux fois plus long.

          Je passerai rapidement sur la Loi Blanquer sur les maternelles, loi qui offre un pourboire de plus de 100 millions d’euros aux écoles privées religieuses. C’est, hélas, dans la continuité des lois anti-laïques de la Vème République.

          Je ne peux pas parler aujourd’hui de liberté de conscience sans évoquer Samuel Paty. Pour la Libre Pensée, la monstruosité de l’acte démontre, une fois de plus, que lorsque la pensée est anesthésiée par des dogmes religieux, cela ouvre la porte à toutes les barbaries. « Le sommeil de la raison engendre des monstres ».

          Cet acte ignoble n’a fait qu’amplifier l’ambiance de xénophobie antimusulmane qui règne depuis des années dans nombre de grands médias nationaux et en même temps, a servi d’argument au gouvernement pour sa loi contre les séparatismes devenue « Loi confortant le respect des principes de la République ».

          A propos de séparatisme, c’est bien sûr l’Islam qui est visé.

          L’article 27 du projet de loi, notamment, oblige en effet les associations cultuelles à se déclarer auprès du préfet compétent, afin de pouvoir bénéficier des avantages liés à ce statut. 

          Comme le disait Pierre-Marie Adam, Grand Maître de la Grande Loge de France, « Cette loi est strictement faite pour les musulmans »… « Personne ne va l’interdire aux juifs, aux catholiques… Est-ce qu’un préfet est compétent pour décider du côté cultuel d’une association ?».

          Cette loi qui dit lutter contre les séparatismes, oublie tous les séparatismes que la Vème République finance largement. Le séparatisme du concordat d’Alsace-Moselle, et les statuts spéciaux des territoires d’outre-mer…etc.

          Mais surtout, le séparatisme des écoles privées religieuses, écoles qui sont à 95% catholiques.

          Rappelons quelques extraits du statut de l’Enseignement catholique, c’est instructif :

           » art. 8  Aujourd’hui comme hier, l’Église catholique est engagée dans le service de l’éducation. Elle accomplit ainsi la mission qu’elle a reçue du Christ : travailler à faire connaître la Bonne Nouvelle du Salut. De cette mission, dans chaque diocèse, l’évêque est le responsable premier et le garant… ». Et l’article 28 précise :  » Pleinement insérées dans le diocèse où elles se situent, les écoles catholiques sont en lien avec les autres lieux d’éducation catholique : les paroisses, les aumôneries, la catéchèse, etc. « .

           » art. 12 L’école catholique remplit, au sein de la société, un «rôle public […] qui ne naît pas comme initiative privée, mais comme expression de la réalité ecclésiale, revêtue de par sa nature même d’un caractère public»… ».

          Dans cet article, on peut remarquer que l’Eglise catholique considère que ses propres intérêts c’est-à-dire l’expression de la réalité ecclésiale, ne sont pas des initiatives privées mais jouent un rôle public. Et il y a encore des politiciens et des journalistes béats qui viennent nous expliquer que contrairement à l’Islam, l’Eglise catholique s’est ralliée à la Laïcité et qu’elle a compris l’importance de la séparation des églises et de l’Etat !

           » art. 17 « Le caractère ecclésial de l’école est inscrit au cœur même de son identité d’institution scolaire ». Cette particularité « pénètre et façonne chaque instant de son action éducative, partie fondamentale de son identité même et point focal de sa mission ».

          Bref, comme le disait le cardinal Lustiger, « il y a une façon chrétienne d’enseigner les mathématiques ». Donc, toute l’activité pédagogique, est imprégnée de l’annonce de la Bonne Nouvelle, c’est-à-dire des Evangiles. L’article 23 le précise clairement :  » L’Évangile est la référence constante des projets éducatifs car «c’est le Christ qui est […] le fondement du projet éducatif de l’école catholique ».

          Il est clair que ces écoles forment, ou plutôt formatent des fidèles comme toutes écoles religieuses d’ailleurs.

          Il est clair que ces écoles ont pour but de séparer les enfants catholiques des autres enfants du peuple de l’école publique qui elle a pour but de former des citoyens.

          Mais pour les mêmes politiciens et les journalistes béats, ce n’est pas du séparatisme !

          On peut remarquer que les APEL, les associations de parents des écoles libres ont été les fers de lances des manifestations contre la loi pour le mariage homosexuel.

          Mais aussi que depuis toujours l’Eglise catholique utilise toutes ses relations avec le monde politique -et elles sont nombreuses sous la Vème République-, pour entraver les avancées sociétales ou scientifiques, comme ce fut le cas pour l’avortement et comme c’est encore le cas pour le droit de mourir dans la dignité, pour la GPA, pour la recherche sur l’embryon…

          Et que depuis plus d’un siècle, les papes rédigent des encycliques sociales qui défendent l’ordre social fondé sur l’exploitation capitaliste.

          Mais pour les mêmes politiciens et les journalistes béats, l’Eglise catholique ne fait pas de politique.

          Et on voudrait nous faire croire que le problème majeur en France, c’est le séparatisme musulman et « l’islam politique » ?

          Cette « loi confortant le respect des principes de la République » malmène la loi du 1 juillet 1901 dénature la spécificité des associations cultuelles en leur permettant de gérer un patrimoine immobilier libre de toute affectation religieuse, acquis gratuitement par donation ou legs alors que la circulaire du 31 août 1906 affirmait : « Une association cultuelle ne peut avoir pour objet direct ou indirect que l’exercice public d’un culte, ses frais ou son entretien ».

          Cette « loi confortant le respect des principes de la République » malmène la loi du 1 juillet 1901 en voulant mettre les associations sous une tutelle idéologique, et les transformer en associations subsidiaires aux services des institutions. C’est un recul de plus de 120 ans en arrière !

          Prenons un exemple :

          La municipalité de la Seyne-sur-Mer exige des organisations qui veulent participer au forum des associations, de signer une charte du respect de la laïcité et des valeurs de la République.

          Mais quelles valeurs de la République ?

          En même temps, on apprend que Municipalité de Six-Fours fait faire des travaux dans un domaine qu’elle possède pour accueillir une maternelle catholique bilingue.

          Or la Maire de La Seyne et le Maire de Six-fours appartiennent à la même majorité départementale. On peut en déduire que leurs « valeurs de la République » sont compatibles avec le séparatisme scolaire catholique !

          Le moins qu’on puisse dire, c’est que nous n’avons pas les mêmes valeurs !

          Avec cette charte, à quelles valeurs républicaines exactement doit-on prêter allégeance ?

          D’abord, en tant que groupe philosophique, nous n’acceptons aucune tutelle idéologique.

          Par ailleurs, on nous présente cette charte comme un moyen de lutter contre le communautarisme, mais comme le dit un proverbe en vogue aujourd’hui, « le communautarisme, c’est toujours l’autre ».

          De plus, le préambule de cette charte affirme que « La ville de la Seyne-sur Mer souhaite valoriser les opérateurs associatifs qui s’inscrivent dans le partage des mêmes valeurs ».

          Or nous ne cherchons pas à être valorisés par une municipalité quelle qu’elle soit !

          Nous ne signerons pas cette charte !

          L’esprit de liberté de la Loi du 1er juillet 1901 nous va très bien ! Nous voulons le conserver !

          Mais la « loi confortant le respect des principes de la République » est accompagnée de la loi dite « de sécurité globale » et des décrets du 2 décembre 2020 qui font peser de lourdes menaces sur les libertés démocratiques.

          Ces lois et décrets n’arrivent pas par hasard.

          La pandémie a illustré le caractère parasitaire du système économique qui organise notre vie sociale.

          Des centaines de milliards de fonds publics ont été distribués aux entreprises sans aucun engagement ni obligation de leurs part. Alors que les licenciements se multiplient, les dividendes versés par les entreprises du CAC40 ont augmenté en 2020 de 22%. Et je ne connais aucune catégorie de travailleurs qui a vu les salaires augmenter de 22%.

          La presse a fait état de 100 milliards dépensés par l’Etat pour le CICE avec comme résultat 100 000 emplois créés c’est-à-dire 1 million par emploi. Force est de constater que des dizaines de milliards ont dû aboutir dans la poche des actionnaires.

          Ou encore, on apprend que SANOFI a bénéficié au titre du Crédit d’Impôts Recherche d’une somme annuelle de 150 millions d’€, soit 1,5 milliard en 10 ans. Et cette même société a été incapable de faire un vaccin, et a licencié 3000 salariés en dix ans dont de nombreux chercheurs.

          Et pendant ce temps-là, les budgets des hôpitaux publics comme ceux des services publics ont été réduits au-dessous du strict minimum.

          Et le gouvernement a une solution commode pour perdurer dans cette voie, limiter les libertés démocratiques pour contenir les mouvements sociaux.

          Mais aussi, tenter de diviser les travailleurs en mettant à l’index les musulmans car l’invention de boucs émissaires est toujours une des armes des classes dominantes dans les périodes de crises.

          Mais aussi en versant aux cultes des sommes de plus en plus en plus importantes pour qu’elles participent au maintien de l’ordre social dans la droite ligne de la pensée de Napoléon 1èr au Conseil d’Etat, le 4 mars 1806 : « Je ne vois pas dans la religion le mystère de l’Incarnation mais le mystère de l’Ordre Social. La religion rattache au ciel une idée d’égalité qui empêche le riche d’être massacré par le pauvre. »

          Tous les régimes d’exploitation ont besoin des religions.

          Et c’est pour cela que Jean Jaurès affirmait : « La République doit être laïque et sociale mais restera laïque parce qu’elle aura su être sociale ».

          Depuis le début, la Vème République est un régime où le pouvoir exécutif domine toutes les institutions. Cette république n’est ni laïque, ni sociale. Ces deux dernières années ne font, hélas que le confirmer !

          Et pour conclure je réaffirmerai :

Ne touchez pas à la loi du 1er juillet 1901.

Ne touchez pas à la loi de Séparation de 1905 !

A bas la Calotte, à bas tous les cléricalismes,

Vive la République laïque et sociale

          Je vous remercie, et je suis désolé car je crois que finalement, j’ai fait un discours 2 fois plus long que d’habitude.


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