Chers amis, chers camarades
Avant de commencer cette intervention, je voudrais rappeler le décès du Président-Fondateur de notre cercle « Chevalier de La Barre », il y a moins de 3 semaines. C’est une grosse perte pour nous et pour tous ceux qui le connaissaient. Nous ne ferons pas une minute de silence parce que ce n’était pas du tout son style, mais nous avons une pensée pour lui.
Chers amis de la Laïcité,
Pour la cinquième année consécutive, nous nous réunissons le 1er Juillet pour commémorer le supplice du Chevalier de La Barre.
Il y a 252 ans, un jeune homme de 19 ans a été torturé de 6h du matin à 7h du soir, puis décapité, et son corps brûlé sur la place publique en Abbeville.
La justice du Roi Louis XV lui reprochait de ne pas s’être découvert lors du passage d’une procession, et de détenir le Dictionnaire Philosophique de Voltaire.
A cette époque, l’Etat était le bras armé de l’Eglise catholique romaine.
Depuis 1905, la République est organisée selon un principe juridique que l’on appelle la Laïcité.
Pour la Libre Pensée, la laïcité c’est la séparation des Eglises et de l’Etat, résumée par cette formule de Victor Hugo : « l’Eglise chez elle, l’Etat chez lui ». Et pour cela, l’article 2 de la loi précise : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».
Ce qui veut dire que l’Etat n’a pas à s’occuper des affaires internes des religions ; il doit assurer la liberté de conscience de chaque citoyen, et dans ce cadre là seulement, il garantit le libre exercice des cultes. L’Etat n’a pas à faire de théologie, il ne doit pas différencier les religions, il doit simplement faire respecter l’ordre public.
Chers amis, je viens de répéter le début du discours de l’an dernier dans lequel nous disions que l’ancien gouvernement faisait exactement le contraire. Et nous disions l’an dernier que le choix de Gérard Collomb comme ministre de l’intérieur laissait présager le pire au vu de sa pratique frauduleuse de la laïcité en tant que Maire de Lyon. Les discours présidentiels aux quatre coins des religions monothéistes ont, hélas, confirmé entièrement nos craintes. Le nouveau Président considère que les cultes sont des partenaires à part entière de la République. Le gouvernement continue dans la ligne tracée par M. Valls, celle d’une « laïcité » obséquieuse vis à vis de certaines religions et une « laïcité » de tutelle vis à vis de l’Islam. Et dans tous les cas, c’est une « laïcité » lucrative pour toutes les religions, en particulier l’Eglise catholique romaine.
En effet, en étendant l’obligation scolaire aux écoles maternelles, le gouvernement n’augmente pas la scolarisation des enfants puisque plus de 95% des enfants sont déjà scolarisés, mais il étend surtout le financement public des écoles privées, ce qui alourdira encore le budget des communes. Et par de multiples canaux, le gouvernement aide les écoles privées à gagner des parts de marché scolaire au détriment de l’Ecole de la République.
Prenons un exemple certes mineur mais significatif.
Le gouvernement a créé des « internats-relais » qui proposent une solution de « réinsertion » pour des enfants en grandes difficultés scolaires. Dans une circulaire du 18 avril adressée aux chefs d’établissements le Recteur d’Académie (Bordeaux) propose aux parents d’élèves concernés deux établissements confessionnels, catholiques, privés, qui dépendent de la Fondation des Apprentis d’Auteuil, partenaire de l’opération, laquelle ne cache pas ses engagements et être une œuvre d’Église. On peut lire dans leur présentation : « Cela signifie que la mission des Apprentis d’Auteuil – accueillir, éduquer, former et insérer des jeunes en difficulté – est reconnue par l’Église comme pastorale, puisqu’elle est réalisée en référence à l’Évangile », ou encore : « Dans chaque établissement, l’équipe d’animation pastorale va à la rencontre des jeunes, comme des adultes. Elle répond aux interrogations, organise des échanges qui aident les jeunes à grandir en intériorité. À ceux qui veulent découvrir le Christ, préparer un sacrement, approfondir leur foi, elle propose catéchèse, célébrations, pèlerinages…, en veillant au lien avec les paroisses et les diocèses. (…) ». Bref, évangéliser les jeunes en difficulté est l’une des applications pratiques du discours de M. Macron aux Bernardins lorsqu’il affirme : « …Vous êtes aujourd’hui une composante majeure de cette partie de la Nation qui a décidé de s’occuper de l’autre partie… celle des malades, des isolés, des déclassés, des vulnérables, des abandonnés, des handicapés, des prisonniers, quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse… le travail que vous accomplissez, n’est pas un pis-aller mais une part du ciment même de notre cohésion nationale. … je suis venu vous appeler à faire davantage encore ». Pour le Président, ce qui devrait relever de la solidarité républicaine doit être sous-traité par les « bonnes » œuvres de l’Eglise catholique. La libre Pensée a protesté auprès du recteur de Bordeaux, du ministre de l’Education nationale, du Conseil des sages mis en place par M. Blanquer pour servir de référent pour la laïcité. Aucune réponse.
La Libre Pensée demande depuis toujours l’abrogation de la loi Debré de 1959 qui oblige la République à financer une école concurrente dont le but est l’évangélisation de ses élèves.
Prenons un deuxième exemple : le voyage au Vatican de plusieurs centaines d’élus de la région, à l’invitation de M. Gontier, archevêque de Marseille, pour avoir une discussion sur la bio-éthique. Cette visite a commencé par une messe et par une visite à l’I.O.R, c’est à dire la banque du Vatican. Cette visite a permis à l’agence du Vatican I.MEDIA de jubiler en titrant : « Les élus du sud de la France sortent du cadre de la laïcité « à la française » ». Que des élus de la région se vautrent dans le clientélisme clérical n’est pas une surprise pour nous, hélas !. Mais l’agence oublie de dire qu’un membre de la délégation n’était pas élu mais nommé par le gouvernement : le préfet des Alpes de Haute-Provence. Que faisait ce préfet au Vatican ?
Et pour terminer, la cérémonie d’intronisation de M. Macron comme chanoine de Latran. Cette pitrerie religieuse se voulait lourde de symbole. Bien sûr pour montrer les efforts du Président pour « réparer les liens » entre l’Eglise et l’Etat », mais l’échange de cadeaux n’est pas innocent : le pape a offert au Président une médaille en bronze de Saint Martin. Ce légionnaire romain est connu pour avoir donné la moitié de son pauvre manteau à quelqu’un qui n’en avait pas et serait le symbole de solidarité et d’altruisme. En fait de symbole, c’est surtout celui du pauvre qui partage sa misère avec plus pauvre que lui. Le message est clair : certains pauvres sont des privilégiés par rapport à d’autres pauvres et ils doivent partager pour que les riches ne soient pas inquiétés. C’est la doctrine sociale de l’Eglise dans toute son obscurité.
Le président français a offert au pape une édition en italien de 1949 du « Journal d’un curé de campagne » de Bernanos. Je n’ai pas une culture littéraire suffisante pour vous parler de ce livre. Mais j’ai trouvé une citation de Bernanos comme penseur chrétien qui illustre bien la pensée de M. Macron : « Lorsqu’un homme crie : « Vive la Liberté ! » il pense évidemment à la sienne ». La « Liberté » est une valeur qui est mise, hélas, à toutes les sauces égocentriques. C’est la différence avec la laïcité, c’est à dire une règle juridique qui organise la séparation des Eglises et de l’Etat. Pour paraphraser Bernanos, je dirai : « Lorsqu’un homme crie : « Vive la Laïcité ! » il pense évidemment à la liberté de conscience de tous ».
Sur ce, il ne me reste plus qu’à conclure :
Ni Dieu, ni maître,
A bas la calotte, à bas tous les cléricalismes,
Vive la République sociale.
Je vous remercie.